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L’affaire Ergenekon continue de secouer la Turquie

vendredi 30 janvier 2009, par Guillaume Perrier

La nouvelle série d’arrestations lancée entre le 22 et le 25 janvier par la justice turque, la onzième depuis le début de l’affaire en 2007, a encore élargi la liste des suspects d’une quarantaine de noms. L’enquête sur le réseau Ergenekon, une nébuleuse nationaliste soupçonnée d’avoir tenté de renverser le gouvernement en organisant attentats et assassinats, n’en finit plus de s’étendre.

La dernière série d’arrestations visait essentiellement des policiers et des militaires. Dix-sept d’entre eux ont été mis en examen et écroués dimanche, à Istanbul. La plupart sont des officiers d’unités spéciales en poste dans les régions à majorité kurde de l’est de la Turquie. Tous seraient liés à Ibrahim Sahin, un ancien chef des opérations spéciales de la police, arrêté début janvier.

Des plans découverts dans sa maison ont permis aux enquêteurs d’exhumer une cache d’armes dans la banlieue d’Ankara. Ibrahim Sahin apparaissait déjà dans l’entourage d’Ali Agça, jeune militant ultranationaliste qui avait tenté d’assassiner le pape Jean Paul II en 1981. « Suivez les traces d’Ibrahim Sahin et vous aurez une chance de découvrir la source des actions illégales au sein de l’Etat turc depuis les années 1970 », note Can Dündar, auteur de plusieurs enquêtes sur « l’Etat profond » turc. « Si l’enquête est bien menée, la Turquie a la clef pour nettoyer des décennies de saletés », ajoute-t-il.

Le dirigeant du puissant syndicat des travailleurs de la métallurgie, titulaire de comptes bancaires bien garnis et de propriétés dans la République turque de Chypre, son fils (dirigeant d’une chaîne de télévision) et le directeur d’un institut de sondages ont également été inculpés durant le week-end.

L’armée turque réagit avec retenue

L’opposition kémaliste et les proches des personnes arrêtées continuent de dénoncer une « offensive antilaïque ». Ils accusent le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, et la presse progouvernementale de chercher à museler l’opposition. Une procédure judiciaire chaotique et des fuites suspectes dans la presse ont également semé le trouble. « C’est un changement de régime, comme à l’époque d’Hitler ou de Khomeini », s’emporte Deniz Baykal. Le président du CHP (Parti républicain du peuple), qui s’est proclamé « avocat d’Ergenekon », dénonce ce qu’il croit être des dérives fascisantes de la part du Parti de la justice et du développement (AKP), le mouvement islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002.

Malgré les arrestations de plusieurs dizaines de sous-officiers, d’officiers et de quelques généraux à la retraite, l’armée turque réagit, quant à elle, avec plus de retenue. A aucun moment le chef de l’état-major, Ilker Basbug, ne s’est opposé frontalement à l’enquête menée par le procureur Zekeriya Öz. Le général et le premier ministre Erdogan se rencontrent tous les mercredis pour faire le point sur la situation du pays.

Journaliste spécialisé dans les questions militaires, Lale Sariibrahimoglu pense que le général Basbug a donné son feu vert aux vagues d’arrestations afin de se débarrasser des éléments les plus radicaux. Civils et militaires tenteraient de trouver un terrain d’entente. Depuis l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne et l’amorce du processus de réforme du pouvoir militaire, les réseaux parallèles soupçonnés d’agir dans l’ombre de l’Etat depuis des années sont devenus encombrants, y compris pour l’état-major de l’armée.

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Sources

Source : Le Monde, le 26 janvier 09

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