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Turquie-Culture : Le cinéma turc à l’honneur

jeudi 31 décembre 2009, par Zaman France

Zaman.fr

Le cinéma turc, à l’honneur en France chaque année lors de la Quinzaine du Cinéma Turc, se développe de plus en plus en Europe, où il convainc la critique. Des cinéastes issus de l’immigration réalisent des films engagés, traitant souvent de questions de fond qu’elles soient politiques ou identitaires.

La 21e édition de la Quinzaine du Cinéma turc, organisée par le cinéma l’Odyssée de Strasbourg, projette sur grand écran jusqu’au 5 janvier 2010, une vingtaine de films turcs inédits. Attirant chaque année des milliers de cinéphiles, la programmation a pour objectif de montrer la grande variété des cinéastes, leurs sources d’inspiration, ainsi que la diversité de leur production allant des films de fiction aux documentaires. Faruk Günaltay, directeur du cinéma d’art et d’essai l’Odyssée, et spécialiste du cinéma, explique ce choix de programmation : « j’essaie de montrer qu’il y a un éventail très large en Turquie, avec des films commerciaux populaires et des films d’auteurs plus pointus. Mon critère de choix est surtout la qualité ». En effet, le cinéma turc, qui connaît depuis une dizaine d’années un véritable renouveau, reste aujourd’hui encore partagé. D’un côté se trouve un cinéma d’auteur qui commence à être reconnu à l’étranger, mais qui n’a encore trouvé qu’une faible reconnaissance en Turquie, et de l’autre se trouve un cinéma commercial et populaire à succès, prêt à rivaliser avec les films hollywoodiens. Nicolas Monceau, enseignant chercheur à l’IEPG (Institut d’études politiques de Grenoble) et spécialiste du cinéma turc, explique ce phénomène. Aux yeux du public turc, le cinéma relève avant tout d’un divertissement consommé sur le modèle américain, d’où la professionnalisation du cinéma commercial et populaire.

Pour un cinéma turc de qualité

Modernité et tradition, ouverture sur l’Europe et attachement à l’Orient, religion et laïcité, relations hommes-femmes, les thèmes sont variés. Des questions fondamentales à l’identité turque sont ainsi traitées par le jeune cinéma d’auteur. Ce dernier survit en grande partie grâce à des fonds étrangers, notamment à Eurimages, le fond du Conseil de l’Europe pour la co-production et la distribution des travaux cinématographiques européens. Ayant représenté la Turquie pendant 15 ans à Eurimages, M. Günaltay exprime cependant son regret face à la diminution du soutien au cinéma d’auteur turc : « A mon époque, ce fond avait permis à de nombreux jeunes réalisateurs turcs de tourner des co-productions ». Le directeur de l’Odyssée soulève également la question du traitement des sujets « pointus ». N’approuvant pas les productions qui critiquent l’histoire de la Turquie sans laisser de place à des réalisateurs ou acteurs turcs, comme Midnigth Express, M. Günaltay s’indigne : « Nous sommes capables de traiter et régler la question arménienne entre nous, sans qu’on nous le dicte de l’extérieur ». Ces sujets « pointus » intéressent de plus en plus le public étranger, notamment d’origine turque. Ceux-ci recherchent un cinéma « engagé » de qualité, qui permettrait tant aux étrangers qu’aux Turcs de mieux connaître la Turquie, et d’éviter de tomber dans les clichés et les préjugés. De nombreux films d’auteurs réalisés ces dernières années ont eu un succès sur le plan international. On peut citer le film de Nuri Bilge Ceylan, Uzak, qui a remporté le Grand prix du Festival de Cannes en 2003. Un autre nom marquant est celui de Yesim Ustaoglu, primée à plusieurs reprises, qui n’hésite pas à revenir sur des épisodes tabous de l’histoire turque.

La nouvelle vague des cinéastes d’origine turque en Europe

En parallèle, une nouvelle vague de cinéastes issus de l’immigration turque apparaît, menant cette fois un autre combat : celui de l’identité, de la place et de l’appartenance culturelle des jeunes issus de l’immigration dans les sociétés européennes. Ce cinéma connaît un réel succès en Europe où la majorité des films reçoivent un prix aux festivals européens. Avec le prix du scénario et le prix du jury œcuménique reçus à Cannes, le film intitulé De L’autre Côté (2007) de Fatih Akin, cinéaste germano-turc, est l’exemple parfait. Parallèlement à la question de l’intégration de la Turquie dans l’Europe, abordée du point de vue des deux pays, le film propose une réflexion sur l’immigration, le métissage et les chocs culturels cultures dans un monde globalisé. Un autre réalisateur allemand d’origine turque, Thomas Arslan, met en scène, dans Dealer, des jeunes à la vie dure évoluant dans le milieu de la petite délinquance allemande. Nous pouvons encore citer Kutlug Ataman. Autant de réalisations qui font la lumière sur les conditions de vie difficiles endurées par la communauté turque en Europe. Ce faisant, elles contribuent également à faire évoluer les mentalités de tous, posant ainsi les bases d’un dialogue culturel indispensable.

Le cinéma turc au féminin pluriel.

Avec la section « Le cinéma turc au féminin pluriel », la quinzaine du cinéma turc à Strasbourg propose cette année 6 films qui incarnent l’un des paradoxes les plus attachants du pays : la place de la femme toujours plus forte dans la société turque, malgré de nombreuses barrières. Dans un pays où elle a obtenu très tôt, en 1934, le droit de vote, soit dix ans avant les Françaises, la femme turque tient une place importante dans le cinéma depuis près de cinquante ans. « C’est par le biais du cinéma que la femme revendique de façon plus efficace sa place dans la société », commente la célèbre actrice Hülya Koçyigit, invitée au cinéma pour débattre sur le film Grenouilles (1985), dont elle joue le rôle principal. « Elmas n’est pas seulement une mère et une épouse, mais elle est une femme qui a aussi ses désirs, sa sexualité, une femme qui a le droit d’être considérée à part entière ». Selon Faruk Günaltay, le cinéma est l’un des principaux lieux où se joue la question de l’affranchissement de la femme. Sa présence au sein de la production audiovisuelle permet également l’évolution des mœurs et des pesanteurs sociologiques et culturelles qui régnaient. Cette présence de la femme dans le cinéma turc a commencé dans les années 1960-1970 avec les films de Atif Yilmaz, initiateur d’une image libérée de la femme turque, et de Bilge Olgaç, une des premières femmes cinéastes en Turquie. Aujourd’hui, l’image de la femme est toujours aussi présente dans le cinéma, comme le montre les films à l’affiche de l’Odyssée. L’adaptation cinématographique de l’œuvre de Sadik Sendil, 7 maris pour Hürmüz, dans lequel Nurgül Yesilçay joue le rôle de Hürmüz, et La pièce de Pelin Esmer, mettent en scène des figures féminines qui reflètent le rôle et la place des femmes d’hier et d’aujourd’hui, dans la société turque.

28 December 2009, Monday

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Sources

Source : Zaman France, le 28.12.09

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