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Ankara de notre envoyé spécial

Les dirigeants turcs insistent sur leur détermination à intégrer l’Union

jeudi 4 mars 2004, par Thomas Ferenczi

Un refus des Européens « sera difficile à expliquer à notre peuple et au monde », souligne le premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Plusieurs responsables estiment qu’Ankara est mieux préparé que certains Etats qui profiteront de l’élargissement le 1er mai.
Le Monde

Au moment où beaucoup redoutent un « choc des civilisations », ne laissez pas passer l’occasion historique d’ouvrir l’Europe à un pays musulman qui réussit à concilier l’islam et la démocratie. Tel est en substance le message adressé par les autorités turques à l’Union européenne, dix mois avant que celle-ci n’ait à décider d’ouvrir des négociations d’adhésion.

« L’entrée de la Turquie changera la définition de l’Union européenne », explique le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, chef du Parti du développement et de la justice (conservateur musulman), en recevant à Ankara, mercredi 3 mars, quelques journalistes étrangers. « Elle montrera, en particulier au monde musulman, que l’Union européenne n’est ni un club chrétien ni une simple association économique, mais une union de valeurs politiques, un espace dans lequel toutes les valeurs sont acceptées. »

Que se passera-t-il si l’Europe demande un nouveau délai pour l’ouverture des négociations d’adhésion en décembre ? « Ce sera difficile à expliquer à la fois à notre peuple et au monde, répond M. Erdogan. Nous serions vraiment blessés si après quarante ans d’efforts depuis l’accord d’association de 1963 nous n’arrivions pas à obtenir une date pour le début des discussions. Soyons francs. Plusieurs pays qui vont entrer dans l’Union le 1er mai n’étaient pas au niveau où nous sommes aujourd’hui lorsqu’ils ont commencé à négocier. Je pense à Chypre, bien sûr, ou aux pays baltes. Un refus ou un nouveau délai serait un coup dur pour nous. Mais ce ne serait pas la fin du monde. Et nous continuerions nos efforts pour adapter notre pays. »

Au-delà de la question chypriote - à laquelle il ne voit pas d’autre solution que le plan du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, moyennant des concessions mutuelles sur une réorganisation territoriale -, M. Erdogan reconnaît qu’il reste encore beaucoup à faire pour que la Turquie réponde aux exigences européennes. De nombreuses difficultés demeurent, comme l’ont répété successivement Romano Prodi, le président de l’exécutif européen, en visite à Ankara à la mi-janvier, et Pat Cox, le président du Parlement européen, qui s’exprimait le 2 mars devant le Parlement turc. Si beaucoup de changements ont été apportés à la législation, à travers plusieurs « paquets d’harmonisation », ces réformes tardent à se traduire dans les faits.

« DES ACTES ISOLÉS »

Selon M. Erdogan, ces retards ne doivent pas empêcher de mesurer le chemin accompli. Signale-t-on des cas de torture dans des commissariats de police ? Ce sont « des actes isolés », désapprouvés par la hiérarchie policière, et qui donnent un « mauvais exemple ». Abdullah Gül, son ministre des affaires étrangères, insiste sur la différence entre l’ouverture des négociations, qui aura lieu dès 2005 si l’Union en décide ainsi, et la signature du traité d’adhésion, qui n’interviendrait que longtemps après. D’ici là, comme le fait observer le secrétaire général chargé des affaires européennes au ministère des affaires étrangères, Murat Sungar, la Turquie aura changé sous l’effet de la négociation et l’Union sous celui de l’élargissement. Les problèmes se poseront donc selon lui en des termes nouveaux. « Tout ce que nous demandons, ajoute-t-il, est que l’Union accepte de donner sa chance à la Turquie. »

C’est aussi cette chance que réclame M. Gül pour faire mentir, dit-il, la thèse du « choc des civilisations » et pour laisser aux « mentalités » le temps d’évoluer en Turquie. Optimiste, il balaie les obstacles qui se dressent sur la route. Les différences de développement économique et social ? « Il est faux de dire que la Turquie sera un fardeau pour l’Europe, affirme-t-il, et que dire de la Bulgarie, de la Roumanie, voire de la Pologne ? » Les atteintes au droit de l’homme ? « Rien de comparable avec ce qui se passait autrefois », répond-il, même s’il existe des « mauvaises conduites » individuelles. Il y a bien quelques faiblesses dans le système judiciaire, dit-il, mais l’indépendance de la justice interdit au gouvernement d’intervenir.

A ceux qui, en France notamment, expriment la crainte que l’entrée de la Turquie ne conduise à une dilution de l’unité européenne, il répond que cette question est d’ores et déjà posée par le prochain élargissement et qu’il appartient à l’Union d’y répondre. M. Dervis ne nie pas l’importance de la question religieuse et comprend ceux qui redoutent l’importation d’un modèle de société non laïque, mais il rappelle les « fortes traditions laïques » de la Turquie et demande aux Européens de ne pas s’enfermer dans l’affirmation de leur identité. « Nous n’allons pas recréer le Moyen Age », dit-il. « L’Europe doit faire la paix avec l’islam », conclut-il.

Le climat est donc à la conciliation. Signe des temps : la femme d’Abdullah Gül, qui avait engagé en 1998 une action auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, après avoir été empêchée de suivre des cours à l’université d’Ankara parce qu’elle portait le voile, a annoncé qu’elle renonçait à sa plainte. Elle ne veut pas, dit-elle, que les tribunaux turcs soient appelés à ouvrir une discussion sur cette question controversée.

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