Les députés européens se montrent bien plus critiques que la commission Prodi sur la candidature de la Turquie à l’Union européenne. La commission affaires étrangères du Parlement discutera aujourd’hui, à Strasbourg, du rapport rédigé par le député néerlandais Camiel Eurlings. Une fois adopté, ce texte sera transmis sous forme de « recommandation » aux chefs d’Etat et de gouvernement avant le sommet du 17 décembre.
D’après le rapporteur, l’ouverture des négociations avec la Turquie doit être « le point de départ d’un long processus qui, par nature, doit rester ouvert, c’est-à-dire ne pas conduire a priori et automatiquement sur l’adhésion ».
Ce point de vue frileux ne reflète pas celui de la commission, qui considère l’adhésion comme le seul objectif valable des négociations. Le Parlement exige également que les opinions publiques européennes soient « consultées » sur l’entrée de la Turquie, ce qui n’avait pas été le cas pour le dernier élargissement. Pour le reste, il s’aligne sur la recommandation de la commission qui estime impossible, pour des raisons budgétaires, de faire entrer la Turquie dans l’Union avant 2014. Le Parlement approuve aussi le processus « d’arrêt d’urgence des négociations », en cas de violations graves et persistantes des principes de liberté et l’Etat de droit. Estimant que la Turquie ne remplit pas encore suffisamment les critères de Copenhague, les députés veulent durcir encore le processus de négociations, en y ajoutant une étape inédite.
« Le Conseil ne doit recommander l’ouverture des négociations que si ces dernières se concentrent d’abord sur le respect des critères politiques de Copenhague, note le document, avec un accent sur le respect des droits de l’homme et des libertés, en théorie et en pratique, et, ensuite seulement, commencer l’examen chapitre par chapitre. » Le rapporteur estime qu’Ankara doit se montrer plus intraitable encore dans sa politique de lutte contre la torture, la corruption et les violences conjugales. Il demande à la Turquie de se mettre « sans délai » en conformité avec les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et lui suggère même de rédiger une « nouvelle Constitution », entérinant la Turquie moderne et européenne. Il appelle la Turquie et l’Arménie à commencer un processus de réconciliation afin de dépasser « les expériences tragiques du passé », et demande à Ankara d’avoir une attitude « plus constructive » pour le règlement de la question chypriote.
Autant de questions qui montrent que là où la commission voyait le verre à moitié plein, le Parlement voit le verre à moitié vide, invitant les Vingt-Cinq à se montrer bien plus vigilants le 17 décembre prochain.