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La Turquie, nouvelle plaque tournante énergétique

vendredi 2 juin 2006, par Jeanne Lhoste

Source : Le Figaro, le 01/06/2006

Image : Radikal.com.tr

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Avec plus de six mois de retard, l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan est entré en fonction.

Le brut azerbaïdjanais n’arrive encore qu’au compte-gouttes au port turc de Ceyhan, sa destination finale. Mais le remplissage du premier tanker a commencé et le Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) est enfin mis en service. Avec six bons mois de retard sur le calendrier initial et une construction qui a coûté 30% de plus que prévu.

Le consortium mené par BP (British Petroleum) a dépensé plus de 4 milliards de dollars pour réaliser ce projet colossal. Long de 1 767 km, le BTC prend sa source en Azerbaïdjan, fait une boucle en Géorgie, se hisse à 2 800 mètres d’altitude dans les montagnes turques avant de parvenir à bon port sur la rive turque de la Méditerranée. « Avec cet oléoduc, la Turquie devient un corridor énergétique incontournable, se réjouit Gökmen Cöloglu, le vice-directeur turc du BTC. C’est sa place naturelle, entre pays consommateurs et producteurs. » Le passage de l’or noir de la Caspienne sur son territoire va lui rapporter jusqu’à 200 millions de dollars de taxes annuelles.

Le parcours du BTC est hautement stratégique. En évitant l’Iran et la Russie, ce tracé ouvre une nouvelle route énergétique vers l’Ouest. La Turquie tire profit de la situation chaotique au Moyen-Orient et de la guerre énergétique que se livrent les pays occidentaux et la Russie. Les Américains et les Européens ont parié sur son régime politique stable pour évacuer les hydrocarbures. « Les Etats-Unis cherchent des axes alternatifs pour assurer leur approvisionnement, explique un expert de la mission économique française à Ankara. Ils essayent de dépendre uniquement de membres de l’Otan. »

Pauvre en hydrocarbures, la Turquie tire son épingle du jeu énergétique grâce à sa position géographique unique : 70% des réserves gazières et pétrolières mondiales connues se trouvent dans la région. Un gazoduc construit le long du BTC acheminera le gaz de Bakou jusqu’à la ville turque d’Erzurum début 2007. Et le Kazakhstan a annoncé qu’il allait se raccorder au BTC. L’accord, qui pourrait être signé en juin, va renforcer le corridor turc : il donne accès aux sous-sols de cette république d’Asie centrale alors que la Russie et la Chine tentent de mettre la main sur ces richesses exceptionnelles.

Coopération nord-sud

Parallèlement à cet axe est-ouest, une coopération nord-sud se développe, avec Moscou cette fois-ci. Le Blue Stream, un gazoduc sous-marin en mer Noire, fournit la Turquie en gaz depuis 2003. Ce pipeline va se prolonger par voie terrestre jusqu’à Ceyhan et une prolongation du Blue Stream pour atteindre Israël est à l’étude. « Mais la Turquie est totalement dépendante de Gazprom », souligne Necdet Pamir, coordinateur du think-tank Asam, le centre d’études stratégiques eurasiennes. Un accord « take or pay » l’oblige à acheter du gaz russe pendant les vingt prochaines années. »

Candidate à l’UE, Ankara se rapproche également de l’Europe et va intégrer la « boucle gazière » voulue par Bruxelles. D’ici à la fin de l’année, l’interconnexion entre les réseaux grec et turc sera réalisée : un gazoduc reliant l’Azerbaïdjan à la Grèce, via la Turquie, entrera en fonction. L’Italie pourrait s’y raccorder. A terme, sa capacité devrait atteindre 11,5 milliards de mètres cubes par an. Enfin, à l’horizon 2015, le Nabucco transportera du gaz depuis les frontières géorgienne et iranienne jusqu’au cœur de l’Europe, en Autriche, en traversant également la Turquie. Des arguments énergétiques qui pèseront dans les négociations d’adhésion.

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