L’Eglise catholique est favorable à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Le secrétaire d’Etat du Vatican, Mgr Tarcisio Bertone, l’a clairement précisé, mardi 29 mai, à Rome, en répondant aux questions des journalistes en marge d’un colloque.
” Avec les peuples et les gouvernements qui respectent les règles fondamentales de la vie en commun, on peut dialoguer et construire un bien commun dans la sphère européenne et dans celle de la communauté mondiale “, a expliqué le numéro deux du Vatican, ajoutant ” y compris jusqu’à une entrée - de la Turquie - dans l’Union européenne “.
Cette position, exprimée pour la première fois de façon aussi nette, reflète une ligne déjà ancienne de la diplomatie vaticane. Si le cardinal Josef Ratzinger s’était prononcé en 2004 contre l’entrée d’Ankara dans l’Union, c’était ” à titre personnel “, avait précisé le Vatican lorsqu’il succéda à Jean Paul II en avril 2005. Lors de son voyage en Turquie, en décembre 2006, Benoît XVI aurait fait savoir au premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, qui lui demandait ” son soutien “, que le Vatican ” envisagerait de manière positive et même encouragerait un chemin de rapprochement sur un fondement de valeurs communes “.
A l’époque, il s’agissait de désamorcer dans le monde musulman la violente polémique allumée deux mois plus tôt par un discours du pape à Ratisbonne (Allemagne) dans lequel il semblait associer l’islam à la violence. Depuis, Benoît XVI a rappelé à plusieurs reprises le rôle de ” pont ” et de ” carrefour entre les cultures et les religions ” joué par la Turquie.
Mgr Bertone confirme une démarche diplomatique empreinte de pragmatisme envers ” un pays qui est définitivement laïque “, et ” qui a parcouru un long chemin et qui progresse encore “. Pour le Vatican, qui redoute l’installation d’un foyer islamiste aux portes de l’Europe, il y aurait plus de cohérence à voir la Turquie ” dans une Europe laïque qui ne veut pas de référence à ses racines judéo-chrétiennes “.
Le Vatican dit oui à la Turquie dans l’Europe
Le Figaro (France), Jeudi 31 mai 2007
De notre correspondant au Vatican Hervé Yannou
Le Vatican est favorable à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Mardi soir, en marge d’une conférence organisée à l’université romaine des légionnaires du Christ, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’État du Saint-Siège, a dit oui à cet élargissement. Il a ainsi confirmé le nouveau cap du Saint-Siège qui se dessinait depuis le voyage effectué par Benoît XVI en Turquie, en no-vembre 2006.
« La Turquie a parcouru un long chemin, et continue à le parcourir » , a déclaré le bras droit du Pape et chef de la diplomatie vaticane. Il a insisté pour que le pays soit « défini comme laïc » , alors que les tensions entre les mouvements islamistes et l’armée turque, gardienne de la laïcité, sont à leur comble à Ankara. « Il y a des évolutions, les positions sont naturellement très différentes » , a-t-il reconnu, mais « avec les peuples et les gouvernements qui respectent les règles fondamentales de la cohabitation, on peut dialoguer et construire ensemble le bien commun dans la sphère européenne et aussi dans la communauté mondiale ».
« Y compris jusqu’à une entrée dans l’Europe ? » , lui ont demandé les journalistes. « Y compris », a répondu le secrétaire d’État. Cette prise de position sur un dossier très controversé pourrait être vue comme un appui moral à Ankara, mais le Vatican se montre avant tout pragmatique.
La ligne diplomatique affirmée par le cardinal relève de la géostratégie et des relations tendues avec le monde musulman. Balayer l’idée d’un « choc des civilisations » Avant son élection, en avril 2005, le cardinal Ratzinger avait jugé que l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne serait une « erreur historique » . Une idée partagée par nombre de cardinaux.
Mais publiquement, le Vatican restait neutre à l’époque, tant que la Turquie s’efforçait de remplir les conditions fixées par Bruxelles, en particulier en matière de liberté religieuse. La donne devait changer après le discours du Pape à Ratisbonne en septembre 2006. Ses propos sur l’Islam et la violence déclenchèrent une crise sans précédent avec le monde musulman.
Deux mois plus tard, son voyage en Turquie devait participer à renouer le dialogue et balayer l’idée d’un « choc des civilisations ». Le Pape présenta la Turquie comme « un pont entre Orient et Occident » . Le cardinal Bertone devait préciser que l’Europe « ne pouvait pas s’en passer » et que son intérêt était « de l’aider à être une véritable démocratie » afin de « consolider un système de valeurs » .
Pour être clair, fermer la porte aux Turcs « risquerait de favoriser le fondamentalisme islamiste à l’intérieur du pays ». La Turquie n’est plus « l’ennemi héréditaire » de l’Europe chrétienne, souligne aujourd’hui un prélat, rappelant que jusqu’au XVII e siècle l’horizon politique des papes était de fédérer l’Europe dans une croisade contre les Turcs. Entre l’Islam et la chrétienté, selon ce prélat, la Turquie est « une marche frontière » qu’il faut « intégrer plutôt que de la rejeter brutalement ».
Reste que Benoît XVI, lui, n’a jamais été aussi affirmatif en public.
Le Vatican réaffirme être favorable à l’entrée de la Turquie dans l’UE
La Croix (France), no. 37761, jeudi 31 mai 2007
Isabelle de Gaulmyn
Lors d’un colloque.à Rome mardi soir, le secrétaire d’état du Saint-Siège a réaffirmé la position esquissée par le pape lors de.son voyage en Turquie. ROME, de notre envoyée spéciale permanente
« Oui à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. » Et oui à une Europe où les chrétiens, « loin d’être considérés comme le reste d’une Europe qui disparaît », sont au contraire « l’avant-garde d’une nouvelle Europe, qui peut être réaliste mais non cynique, riche d’idéaux et libre des illusions naïves ». C’est au cours d’un colloque, organisé dans les locaux flambant neufs de l’Université européenne de Rome (des Légionnaires du Christ), et devant un parterre choisi de prélats et ambassadeurs, que le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’État, et Mgr Dominique Mamberti, secrétaire pour les rapports avec les États, ont voulu donner la vision d’une Église fortement impliquée dans la construction européenne, non sur la défensive, mais au contraire prête à revendiquer tout son rôle.
L’Église catholique, a ainsi assuré le numéro deux du Saint-Siège, ne s’oppose pas à la Turquie : « La Turquie est un pays qui est laïque, (…) un pays de frontières qui a fait beaucoup de chemin, (…) qui avec ses spécificités peut donner beaucoup à une Union européenne qui ne se réduit pas à un simple marché », a affirmé le cardinal Bertone. « Lorsque l’on se trouve en présence d’un ensemble de sujets, peuple et gouvernement, qui respectent les règles fondamentales du vivre ensemble, on peut dialoguer ensemble pour le bien commun d’une raison européenne », a-t-il affirmé. Interrogé sur le sujet en marge du congrès, le cardinal secrétaire d’État a ainsi confirmé avec une force jusqu’ici non entendue la vision du Saint-Siège sur la Turquie, telle qu’elle a été définie depuis le voyage du pape dans ce pays, en octobre 2006.
À Ankara, Benoît XVI avait expliqué au président turc qu’il « voyait favorablement les efforts de la Turquie pour entrer en Europe ». Et plus récemment, dans un entretien à La Croix en mars dernier, le secrétaire chargé des relations avec les États, Mgr Mamberti, avait souligné « qu’il serait dommage de lui fermer la porte a priori », mais il ajoutait, ce qui est la position constante du Saint-Siège : « dans le respect effectif de la liberté religieuse ».
Aux yeux de Rome, le processus d’intégration aurait en effet l’avantage de contraindre la Turquie à respecter les libertés fondamentales, et notamment religieuses, à l’encontre des minorités chrétiennes qui vivent là-bas. Cette position n’est donc pas celle exprimée par celui qui était encore le cardinal Ratzinger, qui s’était explicitement prononcé contre l’entrée de la Turquie en Europe. Elle n’est d’ailleurs pas non plus partagée par tous au sein de la Curie. Mais elle est dans la logique d’une diplomatie vaticane dont la première finalité reste la protection des communautés de chrétiens dans le monde : l’entrée de la Turquie en Europe est un objectif poursuivi par la hiérarchie catholique turque elle-même.