Le Théâtre du Soleil accueille l’Association du Manifeste des libertés pour une soirée de réflexion et de débat sur
La censure au nom de l’islam
Vendredi 24 février 2006, à 20 heures
L¹épisode des caricatures n¹est ni un événement isolé, ni accidentel.
L¹histoire contemporaine de la censure au nom de l¹islam est jalonnée
de meurtres, d¹attentats, d¹interdits de penser et de parler.
Elle correspond à une politique menée, à la fois, par les États et les mouvements islamistes,
afin de faire régner la peur, soumettre les consciences,
imposer une morale unique, étouffer les voix de la liberté.
Se taire ou tergiverser, c¹est accepter l¹inacceptable, devenir complice de l¹infâme.
Cartoucherie, 75012 Paris
Pour se rendre à la Cartoucherie :
Métro Château-de-Vincennes, puis autobus 112 ou navette « Cartoucherie ».
Veuillez réserver vos places par mail : manifeste@manifeste.org
Pour la liberté d¹expression !
par l¹Association du Manifeste des libertés
(texte paru dans « Charlie-Hebdo », 8 février 2006)
L¹hebdomadaire jordanien Shihane publiait, le 2 février dernier, trois des caricatures danoises qui mettent aujourd¹hui le « feu aux poudres », et se demandait « ce qui portait le plus préjudice à l¹islam : ces caricatures ou bien les images d¹un preneur d¹otage qui égorge sa victime devant les caméras » (cité par Libération, 3 février 2006).
Le problème est que ce journal a été retiré de la vente, et le directeur de publication, limogé. Ainsi, il y a certainement nombre de gens qui pensent la même chose en terres d¹Islam, mais ils n¹auront pas le droit de le dire : c¹est à eux que manque le plus gravement la liberté d¹expression.
On pourra toujours discuter de la qualité de ces caricatures et de l¹influence possible, sur elles, de l¹atmosphère droitière et teintée de racisme qui sévit actuellement au Danemark, comme dans d¹autres pays européens. Mais qu¹on en appelle au meurtre contre leurs auteurs et contre l¹ensemble de leur nation au nom de Dieu, que le secrétaire général du Hezbollah libanais déclare que « s¹il s¹était trouvé un musulman pour exécuter la fatwa de l¹imam Khomeyni contre le renégat Salman Rushdie, cette racaille qui insulte notre prophète Mahomet au Danemark, en Norvège et en France n¹aurait pas osé le faire », nous impose l¹urgente nécessité de les défendre : allons-nous attendre, comme le dit Magdi Allam dans Il Corriere de la sera, « qu¹un autre Théo van Gogh soit assassiné à Copenhague ou à Oslo » ? Qu¹on ait de nouveau ce sinistre « fini de rire » dont parlait un journaliste français lors de l¹affaire van Gogh ?
Cette remise en cause de la liberté d¹expression, orchestrée quatre mois après les faits, vise à empêcher toute liberté de pensée d¹artistes, d¹intellectuels, toute critique de la religion, dans une surenchère sur fond de victoire électorale du Hamas en Palestine, et des positions du gouvernement iranien. Ces manifestations et ces apparents désordres provoqués par les caricaturistes danois sont, en réalité, un rappel à l¹ordre adressé à ceux qui se reconnaissent provenir de cette civilisation-là, citoyens d¹Europe et d¹ailleurs, et surtout d¹ailleurs : Vous n¹avez pas le droit d¹être européens, vous n¹avez pas le droit de penser « comme des Européens ». Et l¹actuel projet de l¹Organisation de la conférence islamique et de la Ligue arabe demandant à l¹ONU d¹adopter une résolution interdisant les atteintes aux religions qui rencontrera, à coup sûr, la plus grande sympathie chez certains groupes chrétiens et juifs est une remise en cause d¹un acquis européen dont nous avons besoin plus que jamais, celui de la liberté de penser, indissociable de la liberté de conscience, du droit à l¹athéisme, et au blasphème.
D¹autres « communautés » juives, chrétiennes se sont, elles aussi, senti insultées par tel ou tel texte, dessin, discours, mais elles ont réagi devant les tribunaux.
Au Manifeste des libertés, nous maintenons vive une double exigence : la condamnation de l¹intégrisme et de ceux qui l¹alimentent, et la nécessité de redonner espoir à un avenir démocratique partagé, à partir d¹une pluralité de provenances culturelles. Un espoir dont ne veulent ni les partis d¹extrême droite ni les radicaux islamistes, qui se renvoient étonnamment la balle et nous avons à saisir cette balle au bond.
Pour cela, il importe de faire connaître toutes les contradictions qui ont été et sont à l¹¦uvre dans le monde musulman, toutes les expériences de liberté tentées dans ce monde, aujourd¹hui comme hier. Rappelons-nous cette expérience de liberté d¹ampleur historique et sociale inégalée, où pendant plus de deux siècles Bagdad est devenue un centre des savoirs du monde (Dimitri Gutas, Pensée grecque, culture arabe, Aubier). Il est vrai que le désir de civilisation y était alors intense et n¹était pas écrasé par l¹appétit des revenus pétroliers.
Des expériences de liberté qui, comme le dit Salman Rushdie, finiront bien par « abattre un jour la porte de cette geôle ».
Tewfik Allal, pour l¹Association du Manifeste des libertés
manifeste@manifeste.org
Persévérance
par l¹Association du Manifeste des libertés
(texte paru dans « Charlie-Hebdo », 15 février 2006)
Selon un sondage récent, plus de 53 % des Français se sont exprimés contre la publication des caricatures danoises. Une manière de dénoncer leur caractère raciste ? Cela peut signifier tout autre chose : qu¹ils considèrent les « musulmans » comme des êtres barbares et menaçants, qu¹il ne faut surtout pas provoquer sous peine d¹explosion : « Regardez les banlieues en novembre. Protégeons-nous ! Prudence ! » Une prudence qui ne s¹embarrasserait pas, éventuellement, de faire ce qu¹il faut pour se protéger. Une prudence oublieuse, par exemple, du soutien des gens d¹origine musulmane lors de la mobilisation pour la libération de la journaliste Florence Aubenas.
Restituons la réalité de l¹enjeu : non pas l¹outrecuidance d¹une liberté d¹expression sûre d¹elle-même, mais le manque profond de liberté d¹expression et de pensée dans un certain nombre de pays où la vie politique est écrasée par des pouvoirs dictatoriaux et par l¹islamisation de la société. Suffit-il de dire qu¹il ne faut pas « offenser les masses » pour faire avancer la paix, le dialogue des cultures, la tolérance, le respect, la raison ? Qui ne souscrirait à de telles valeurs, si précieuses par mauvais temps de racisme, de dignité bafouée, d¹injustice, d¹occupations étrangères ? Mais cela ne suffit pas : il faut donner la parole une parole politique à ceux, nombreux, que désespèrent les vociférations organisées et les cris de haine, qui savent à quel point l¹invocation du sacré a une fonction politique. Une parole non pas ponctuelle, à l¹occasion d¹une affaire comme celle des caricatures, mais une parole dans la durée, persévérante, hors des scoops médiatiques mettant en scène des « Arabes écrasés d¹humiliations » face à des « Blancs ivres de liberté d¹expression ». Cette parole, trop souvent, l¹Occident l¹ignore.
Association du Manifeste des libertés