Le 10 juillet, Nicolas Sarkozy était à Alger. Il tentera une opération de charme auprès d’un peuple qui attend toujours que la France se repente pour la période coloniale.
Le président Sarkozy se rend au Maghreb, précisément à Alger et Tunis, puisque Rabat a décliné la visite. Ce voyage révèle « l’intérêt ancien » de Nicolas Sarkozy pour les pays de la région où il s’est rendu à maintes reprises lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, des Finances ou président de l’UMP.
En novembre 2006, il avait été longuement reçu par le président algérien Bouteflika, « les deux hommes s’appréciant énormément », dixit le porte-parole de l’Elysée. Les relations entre Alger et Paris ont été tendues, ces temps derniers, pour cause de glorification de la période coloniale, jugée ici scélérate. La non-promulgation de la loi du 23 février 2005 [qui demandait aux programmes scolaires français de « reconnaître le rôle positif de la présence française outre-mer »] ayant quelque peu fait taire les rancœurs, même si les Algériens entendent toujours réclamer, haut et fort, un acte de repentance. Acte que Nicolas Sarkozy exclut avec la même détermination, lui qui y voit l’expression d’une « haine de soi ». Sentiment qui n’a pas eu l’heur de l’embarrasser quand il fut question de repentance envers les crimes de Vichy ou le supposé génocide arménien vivement contesté par Ankara [Turquie].
Ankara, justement, est dans la ligne de mire du nouvel hôte de l’Elysée qui a lancé l’idée d’une Union méditerranéenne, calquée sur le modèle de l’UE, et destinée à rassembler les pays riverains de la mare nostrum, dont la Turquie. Un lot de consolation. Mais voilà, depuis Atatürk [premier président de Turquie], les Ottomans veulent être les derniers sur le char européen plutôt que les premiers sur le char arabo-musulman. Côté maghrébin, on sait que l’UMA peine à se concrétiser pour de multiples raisons dont la question sahraouie est la plus importante, et l’on se rappelle que chacun des pays maghrébins concernés a signé un accord d’association supposé instaurer des « liens privilégiés » avec l’Union européenne.
Il s’avère au fil des expériences que, si le commerce tend à s’intensifier, malgré des déséquilibres flagrants au détriment des économies maghrébines, le volet humain se caractérise, lui, par les paramètres habituels du verrouillage des frontières et de la suspicion systématique à l’égard des demandeurs de visa. Cela n’empêche pas Sarkozy de rétorquer, pour justifier son rejet du traité d’amitié porté par son prédécesseur, que l’amitié « se manifeste plutôt par des actes concrets que par des déclarations ». En se rendant à Alger et Tunis, il veut signifier son intention d’« honorer l’amitié à la fois unique et indéfectible qui unit nos peuples et nos pays » et d’œuvrer à leur rapprochement, même si les consulats français opposent le même refus de visa aux Algériens qui voient dans le rejet inexpliqué de leur dossier un geste pour le moins inamical.
Allez expliquer, après cela, le grand dessein d’un ensemble solidaire, dynamique et prospère, incluant tous les peuples du pourtour méditerranéen. Pour Nicolas Sarkozy, qui souhaite un partenariat Sonatrach-Gaz de France, tout en affirmant que « parmi les producteurs de gaz, il n’y a pas que Sonatrach, même si Sonatrach est important » (JDD du 8 juillet 2007), le pragmatisme doit être de rigueur. Serait-ce que les enjeux, depuis la repentance, incontournable pour le peuple algérien, jusqu’à la nécessaire adéquation entre des échanges économiques privilégiés et des rapports humains non moins apaisés, s’avèrent encore aléatoires au regard d’une France qui observe toujours l’avenir par la petite lucarne ?