Les ministres des affaires étrangères des Vingt-Sept devaient renoncer, mardi 14, à ouvrir un nouveau chapitre, celui de la concurrence, contrairement à ce qu’espérait la présidence belge.
Les négociations d’adhésion entre la Turquie et l’Union européenne (UE) sont désormais dans l’impasse. Les ministres des affaires étrangères des Vingt-Sept devaient constater, mardi 14 décembre, à Bruxelles, l’impossibilité d’ouvrir un chapitre supplémentaire parmi la poignée de ceux qui sont encore négociables. « On ne veut pas dire que le train est sur une voie de garage, mais le mouvement est très très lent », constate un diplomate.
La présidence belge de l’UE, mue par ce qu’un représentant de ce pays décrit en souriant comme « l’optimisme de la volonté », espérait pourtant ouvrir pendant ce semestre au moins un nouveau chapitre avec Ankara, celui portant sur la concurrence. Faute de progrès sur la question, elle a dû renoncer à cet objectif, se bornant à espérer « une bonne discussion » sur le dossier mardi.
« Le climat n’est pas favorable à l’élargissement et Ankara n’en a pas fait assez, pas assez vite », résume un diplomate belge de haut rang. Toutefois, admet-il, le niveau d’exigence imposé aux dirigeants turcs est très élevé. Depuis le début des pourparlers, en 2005, treize chapitres sur trente-cinq ont été ouverts.
Aucun ne peut être refermé en raison du contentieux entre la Turquie et la République de Chypre, qu’Ankara ne reconnaît toujours pas. Une douzaine de chapitres ne peut être ouverte pour les mêmes motifs. Et cinq autres font l’objet d’un veto du président français, Nicolas Sarkozy, car ils présupposent, selon le chef de l’Etat, une adhésion. Contre l’avis d’Ankara, M. Sarkozy milite plutôt, avec les chrétiens-démocrates allemands, en faveur d’un « partenariat privilégié ».
Certains pays n’ont « pas encore » demandé de suspendre les discussions mais la diplomatie belge a compris qu’il valait mieux ne pas appuyer sur l’accélérateur. Elle n’a pas voulu accroître la pression sur les gouvernements les moins pro-turcs afin de ne pas tenter le diable et pousser ceux qui refusent en réalité la candidature de la Turquie à devoir le dire officiellement dès maintenant. « Pas question d’agiter le chiffon rouge », en a raisonnablement conclu la Belgique.
Steven Vanackere, le ministre des affaires étrangères belges, a par ailleurs quasiment jeté l’éponge au sujet des consultations qu’il menait discrètement avec la Commission européenne afin d’apaiser le contentieux entre la Turquie et la République de Chypre. L’idée aurait été d’obtenir l’ouverture de quelques ports turcs aux bateaux chypriotes, en échange d’un assouplissement de l’embargo imposé par la République de Chypre à la partie occupée par l’armée turque, au nord de l’île. La question chypriote risque sinon, vu le nombre de chapitres gelés pour ce motif, de bloquer durablement les négociations.
Combien de temps les Européens, retranchés derrière la notion d’une Europe « à approfondir avant de l’élargir », selon le langage officiel, parviendront-ils à garder le contact avec le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan ? Les Vingt-Sept craignent une surenchère nationaliste en Turquie lors des élections générales de 2011. Le premier ministre et son Parti de la justice et du développement (AKP, islamiste modéré) perdent eux aussi patience, jugeant trop négative l’attitude de la Commission européenne à l’égard des récentes réformes constitutionnelles adoptées par référendum, le 12 septembre, en Turquie.
Manifestant un évident agacement, le gouvernement turc a décidé d’utiliser désormais tous les moyens pour exprimer sa mauvaise humeur. Partenaire-clé de l’OTAN, il compte beaucoup sur le secrétaire général de l’Alliance, le libéral danois Anders Fogh Rasmussen, pour plaider sa cause auprès des Vingt-Sept.
M. Rasmussen a répété le 9 décembre, devant le conseil des ministres de la défense, qu’Ankara devait demeurer un partenaire privilégié. Il a sous-entendu que les projets européens de coopération renforcée et de mutualisation de leurs efforts auraient plus de chance de réussir s’ils pouvaient englober la Turquie. Le rapprochement entre l’Union européenne et l’OTAN est bloqué de longue date par Ankara.