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En 2026, au sommet d’Istanbul

lundi 15 janvier 2007, par Andreas Rinke

Source : Handelsblatt

Dans vingt ans, l’Union s’étendra jusqu’aux portes du Caucase et la Constitution sera en vigueur depuis longtemps. Le chef du gouvernement turc présidera aux destinées de cette UE élargie et acteur global... Petit exercive journalistique d’anticipation par le quotidien allemand Handelsblatt.

Istanbul 2026 : agacé, Süleiman Mehmet se retourne. Le sommet européen d’Istanbul, qui aurait dû être le point culminant de son mandat, risque d’échouer. Les pays du Caucase, c’est-à-dire l’Arménie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan, dont il avait soutenu la candidature à l’entrée dans l’Union européenne, n’ont pas obtenu la majorité parmi les 33 membres de l’UE. Pas plus que l’idée d’offrir aux escadrilles multinationales des drones de combat financés sur le budget de l’UE. Cela aurait pu enlever un poids au budget de la Turquie. L’année 2026 risque de faire figure d’année noire dans l’histoire de l’Europe, et les médias de presque tous les pays membres parlent déjà d’“eurosclérose”.

Sur sa terrasse avec vue sur le Bosphore, Süleiman Mehmet saisit un livre sur l’histoire européenne des soixante dernières années pour se rafraîchir la mémoire. Un sourire éclaire son visage lorsqu’il tombe sur l’année 2006. Le 11 mai, Angela Merkel, la chancelière allemande de l’époque, avait fait à Berlin une déclaration gouvernementale qui avait fait frémir les dirigeants des Etats candidats à l’entrée dans l’UE. Le chef du principal pays des Vingt-Cinq avait alors affirmé que, en matière d’adhésion, seules la Roumanie et la Bulgarie pouvaient encore compter sur les promesses de l’Europe.
Avec le recul, il s’avère que cette déclaration n’était qu’une manœuvre tactique. Par ces propos, Angela Merkel rassurait tous ceux (surtout les membres de son propre parti) qui n’avaient pas vu d’un bon œil l’élargissement de l’UE, le 1er mai 2004. Son intervention avait par ailleurs incité les pays voulant entrer dans l’UE à accélérer les réformes nécessaires. Et elle avait exercé une influence encore plus importante sur les anciens membres de l’UE qui avaient refusé le projet de Constitution ou qui l’avaient soutenu avec une certaine frilosité. Ce n’est que lorsque de nouvelles négociations internes avaient été à nouveau possibles et une fois les valeurs de l’Europe clairement définies que l’on avait pu songer à un nouvel élargissement, comme en avait prévenu Angela Merkel. Son message avait fait son effet.

Dès 2007, les gouvernements de l’Union européenne s’étaient mis d’accord sur une version très allégée de la Constitution tenant compte du résultat des référendums. Grâce à un nouveau souffle économique, surtout dans la zone euro, et grâce au déficit croissant de main-d’œuvre en Europe, pour des raisons démographiques, les débats sur l’élargissement de l’UE avaient évolué. D’une part, les pays comme l’Islande, la Suisse et la Norvège (dont les réserves de gaz commençaient à s’épuiser) se bousculèrent pour adhérer à l’Union européenne. D’autre part, l’Ukraine frappa à la porte en 2018, peu après la Serbie, la Macédoine et la Bosnie. Enfin, le 1er janvier 2022 (Süleiman Mehmet lit toujours ce passage avec satisfaction), l’UE s’élargit à la Turquie, et, peu après, à l’Albanie.

Au fil des ans, l’atmosphère changea, car des partis musulmans modérés s’établirent dans les principaux pays de l’UE. Pour des raisons démographiques, ils ne cessèrent d’accroître leur influence et participèrent à des gouvernements de coalition, par exemple en Allemagne.

Süleiman Mehmet continue à feuilleter le livre et se penche sur le succès de l’intégration européenne : les uns après les autres, les vingt-cinq Etats membres ont adopté l’euro – qui est devenu la deuxième monnaie au monde, après le yuan chinois. L’Union européenne a aussi fait de gros progrès en matière de politique intérieure et extérieure. Après les attentats de Londres, de Varsovie et de Berlin, et après les guerres entre gangs internationaux à Marseille et à Athènes, les gouvernements européens se sont soudainement montrés disposés à renforcer Europol pour en faire une assez puissante unité de lutte contre la criminalité. Une police commune a été chargée de surveiller les frontières de l’Europe. Elle s’attaque surtout à l’immigration africaine en mer Méditerranée et aux contrebandiers aux frontières irakiennes, iraniennes et russes. Les soldats des unités européennes sont basés dans vingt-sept pays dans le monde.
La grogne contre Bruxelles ne s’est toutefois pas apaisée avec le temps. Les plaintes d’Etats membres se sont accumulées, clamant que la Commission européenne, dont le statut est voisin de celui d’un gouvernement, se montrait trop interventionniste. Les polices nationales se plaignent toujours de l’ingérence d’Europol. Les Etats et les régions ont été déclarés également compétentes dans le domaine social. Les régions ont bataillé pendant des années pour obtenir le droit à “protéger leur identité propre”.
Süleiman Mehmet soupire. Il sait que, de retour dans la salle où se tient le sommet, les problèmes actuels occulteront le passé glorieux de l’intégration. En effet, un point tout aussi délicat que les deux précédents figure à l’ordre du jour de ce sommet d’Istanbul de 2026. On doit débattre pour savoir si l’Europe doit acheter des emprunts émis par les Etats-Unis, pour un montant de près de 100 milliards d’euros par an, afin d’éviter à ce pays surendetté de tomber dans une trop forte dépendance à l’égard de ses créanciers chinois, arabes, russes et vénézuéliens. Ce sera également le thème du prochain sommet entre l’UE et les Etats-Unis, à l’occasion de duquel Jeff Gonzales, le premier président des Etats-Unis d’origine hispanique, se rendra à Bruxelles.

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