Le jeune réalisateur Clément Juillard propose une exploration poétique d’Istanbul à travers le thème de l’eau. Tourné en marge du dernier Forum mondial de l’eau, qui a eu lieu en mars 2009, le film mêle un propos politique et poétique, pour refuser qu’une telle source de vie ne devienne une marchandise
Le film Su (Eau) pose la question du lien naturel entre un rituel d’ablution, une artiste de papier marbré, un SDF, un orgue de verre et des multinationales qui débattent sur l’eau dans le monde.
Produit par l’association « L’eau est le pont », le documentaire Su, réalisé par Clément Juillard, propose une balade poétique à Istanbul en prenant l’eau comme fil conducteur.
Le film d’une durée de 28 mn s’inscrit dans un discours alternatif à celui du Forum mondial de l’eau (mars 2009), en marge duquel il avait été tourné. Ainsi, dès les premières images, on entend des manifestants scander des slogans comme : « l’eau est un droit, on ne peut la vendre » ou « l’eau n’est pas un objet, c’est un droit de l’homme ».
Si le Forum est filmé, c’est à travers la performance d’une jeune militante qui, recouverte de couleur bleue, erre dans les couloirs de la rencontre internationale avec un miroir entre les mains.
Pour Clément Juillard, le propos est certainement politique, puisqu’il refuse que des groupes privés mêlent l’argent au partage de l’eau, mais il est aussi poétique puisqu’il s’agit de revenir « à la base, à la matière, à ce que ça fait en nous, aux petites émotions que nous donne cette eau ».
Ces petites émotions, Juillard les dévoile en filmant un joueur d’un orgue de verre sur les toits d’Istanbul, une peintre de papier marbré (ebru) dont l’eau est le principal outil de travail, un rituel d’ablution juste avant une cérémonie de cem alévie ou un SDF pour qui l’eau est symbole de survie. Autant de façons d’aborder l’élément dans son rapport à la vie.
L’eau est ce qui relie les hommes
Car pour le réalisateur, le plus important c’est moins l’eau elle-même que « les hommes qui sont autour de l’eau ». L’eau est l’élément essentiel qui « nous relie tous entre nous, à notre environnement et à notre façon de concevoir le monde ». Il regrette donc que l’eau soit considérée comme une marchandise et qu’on doive passer par des opérateurs privés auquel on doit donner de l’argent, si bien que le rapport à l’eau devient « moins naturel ». C’est cette qualité de l’eau qu’invoque l’artiste de papier marbré. L’eau qu’elle travaille capte ses émotions positives ou négatives. Pour elle, l’eau est le symbole de l’équilibre « même si tu es un professionnel tu te sens comme un amateur car le plus important est de réussir à bien doser pour trouver le véritable équilibre ». Pour elle, il est donc avant tout question d’« harmonie intérieure », un principe inhérent à l’eau. C’est aussi en ce sens, que l’eau fait le lien entre l’homme et lui-même. Le défi de Su est donc d’assumer la double dimension politique et poétique de l’eau. Produit par l’association « L’eau est le pont », qui se propose d’attirer l’attention sur l’importance de cet « élément fragile, puissant, menacé, précieux, inégalement réparti sur la planète », le film a été projeté le 20 février dans le cadre de la soirée « Court-mixages sur l’eau », dédiée à l’eau.