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Turquie-Justice : La Cour constitutionnelle turque a dissout le DTP.

lundi 14 décembre 2009, par Jean Marcou

Il n’y a pas eu de surprise, le 11 décembre au soir, la Cour constitutionnelle turque a dissous le parti kurde DTP (Demokratik Toplum Partisi – Parti pour une société démocratique). Prise à l’unanimité de ses 11 membres, la décision de la Cour a également banni de la vie politique, pour 5 ans, 37 responsables de ce parti, dont son leader et député Ahmet Türk (photo), la députée Aysel Tuğluk, ainsi que les maires de Batman, Nejdet Atalay et de Siirt, Selim Sadak. Le président de la Cour, Haşim Kılıç, a expliqué que le DTP était devenu « un centre d’activités mettant en péril l’unité de l’Etat par ses liens avec des activités et des organisations terroristes. » L’argumentaire de la décision prise, qui n’est pas encore publiée, renverrait aussi à la jurisprudence du Tribunal constitutionnel espagnol et de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui a présidé à la dissolution du parti basque Herri Batasuna, en l’accusant d’être la vitrine politique de l’ETA.

Les autres partis politiques turcs parlementaires n’ont pas été très diserts sur cette décision, et n’ont pas pris la défense du DTP. Dans le camp laïque, le petit parti démocratique de gauche (DSP), tout en se déclarant opposé aux dissolutions de partis politiques, a estimé que le DTP méritait son sort, car il n’avait pas respecté la Constitution. Le vice-président du parti kémaliste CHP, Onur Öymen, qui vient d’être la cause d’une violente polémique, pour avoir assimilé la répression de Dersim à la lutte contre le terrorisme (cf . notre édition du 22 novembre 2009) , a considéré, quant à lui, que cette décision n’était pas politique mais juridique et que, selon lui, elle devait, pour cette raison, être respectée. Le leader du parti nationaliste MHP, Devlet Bahçeli, a développé une argumentation similaire. Seuls certains membres de l’AKP ont été plus critiques dans leurs commentaires. Ainsi, Dengir Mir Mehmet Fırat a regretté que la Turquie soit devenu « un cimetière de partis politiques. » Le DTP est, en effet, le 27e parti à être fermé en Turquie, depuis la création de la Cour constitutionnelle par la Constitution de 1961. Ancien vice-président du parti gouvernemental, ce député a poursuivi en disant que la dissolution des partis politiques ne réglait rien et mis en doute la pertinence du parallèle souvent fait avec le cas d’Herri Batasuna.

Pour sa part, le premier ministre, Recep Tayyip Erdoğan a surtout cherché à défendre son ouverture démocratique kurde. Il a notamment regretté que le DTP l’ait d’abord soutenue avant de la critiquer pour s’engager dans le mouvement protestant, depuis une quinzaine de jours, contre le changement des conditions de détention d’Abdullah Öcalan, que le premier ministre a de nouveau démenti, en estimant que ces conditions étaient conformes aux standards européens. Il a, par ailleurs, émis des doutes sur l’origine de l’attentat de Tokat, qui, le 7 décembre dernier, a tué 7 soldats turcs, en disant que ce n’était pas parce que le PKK l’avait revendiqué qu’il en était forcement l’auteur, et en observant que cette revendication avait été le fait d’une branche dissidente de cette organisation et non de son commandement central. Le leader de l’AKP n’a pas semblé très convaincu, en outre, par l’initiative du président Gül visant à rassembler les leaders des principaux partis politiques turcs pour évoquer les tensions liées aux manifestations kurdes du week-end précédent. Il faut dire qu’une telle réunion risque d’être difficile à organiser, car le CHP a déjà fait savoir qu’il ne viendrait pas, tandis que le DTP, qui, lui, a donné son accord, est maintenant dissous…

L’un des problèmes, qui se pose désormais, est de savoir quelle va être la stratégie du parti kurde. Peu après la décision de la Cour constitutionnelle, Ahmet Türk a confirmé que l’ensemble des députés du groupe parlementaire du DTP allait démissionner. Cette démission globale devra être néanmoins confirmée devant le parlement. Il semble, toutefois, que le mouvement kurde ait deux options : ou bien délaisser la scène politique traditionnelle ou bien s’y maintenir, en parvenant alors à sauver son groupe parlementaire. En perdant, en effet, deux députés (Ahmet Türk et Aysel Tuğluk) bannis de la vie politique par la décision de la Cour, le DTP, qui n’a plus que 19 députés, ne peut plus avoir de groupe parlementaire (puisque, selon la Constitution, il faut 20 députés pour en créer un). Mais certains font valoir que le DTP, qui a déjà créé une formation politique de remplacement (le parti de la Paix et de la Démocratie - Barış ve Democrasi Partisi), pourrait y faire adhérer les 19 députés qui lui restent, et en trouver un vingtième en la personne du député indépendant, Ufuk Uras, qui a été élu, en 2007, à Istanbul, grâce à un apport de voix du DTP. Cette option permettrait peut-être d’atténuer les tensions, qui existent depuis 15 jours et qui ont été encore accrues par la décision de dissolution, mais elle n’est pour l’instant qu’une pure hypothèse.

JM

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Sources

Source : Ovipot,le 13.12.09

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