Le mardi est en Turquie, comme l’on sait, le jour de la réunion des groupes des formations politiques qui sont représentées au Parlement. Les réunions, qui se sont tenues le 15 juin, ont donné lieu à un sévère affrontement entre l’AKP et le BDP.
Recep Tayyip Erdoğan a en effet mis en cause le parti kurde, en lui reprochant d’avoir des liens avec le PKK. Mais il a aussi accusé les municipalités du BDP, dans le sud-est, de décourager les investissements et de refuser en particulier le soutien du TOKI (Toplu Konut İdaresi Başkanliği – La direction administrative du Logement), une puissante instance de construction et d’aménagement, qui est directement rattachée aux services du premier ministre. Déniant au PKK le droit d’être le porte-parole de ses concitoyens kurdes, le leader de l’AKP a estimé également que l’organisation rebelle s’employait à brider les efforts de développement, de démocratie, de service, lancés par son gouvernement, en direction des provinces kurdes. Il a déclaré, pour finir, que la recrudescence des opérations conduites par le PKK, depuis deux mois, visait à faire échouer les réformes entreprises.
La riposte du BDP ne s’est pas fait attendre. Selehattin Demirtaş (photo) a estimé que les déclarations du premier ministre étaient en fait une sorte d’appel lancé à la Cour constitutionnelle pour qu’elle dissolve son parti et il a nié que les élus du BDP aient refusé l’appui du TOKI. Le leader kurde a surtout reproché à Recep Tayyip Erdoğan d’avoir échoué dans les tentatives qu’il a faites récemment pour résoudre la question kurde. Ces critiques ont d’ailleurs abouti au dépôt d’une motion de censure contre le gouvernement, par le BDP. « Ceux qui entendent profiter des conflits ethniques n’en retireront aucun bénéfice. Notre politique vise à établir la paix et la démocratie », a conclu Selehattin Demirtaş.
Cette passe d’armes intervient au moment où l’on assiste à un regain des attentats du PKK. Depuis deux mois notamment, l’armée turque a perdu plus d’une vingtaine de soldats lors d’accrochages dans le sud-est du pays. Quant à l’ouverture démocratique, bien que le ministre de l’intérieur et le président de la République aient réaffirmé récemment qu’elle n’était pas morte, elle a été reléguée au second plan de l’actualité par la réforme constitutionnelle et par les événements de politique internationale survenus au cours des dernières semaines (dossier nucléaire iranien, affaire de la flottille). Dans la nuit de mardi à mercredi, des affrontements dans la province de Şırnak se sont encore soldés par 4 morts (3 rebelles et un soldat), et ont entrainé de nouvelles incursions de l’armée de terre et de l’aviation turques dans le nord de l’Irak, où les bases arrière du PKK trouvent refuge.
JM