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Tête de Turc

jeudi 4 juin 2009, par Sophie Gherardi

Il y a quelque chose de lassant à voir actionner avant chaque élection les mêmes ficelles. La sécurité et la Turquie forment un duo pour temps de campagne qui pourrait être comique, façon Laurel et Hardy, s’il ne s’agissait pas de deux thèmes effectivement cruciaux. Chacun d’entre eux mériterait un débat informé, approfondi, permanent, et reçoit au contraire un traitement sporadique et caricatural.

Pour Nicolas Sarkozy, l’avantage de la Turquie et du thème sécuritaire, c’est qu’ils créent du clivage avec la gauche et peuvent ramener à lui des couches fragiles qui ont dans le passé été tentées par l’extrême droite. A ceux qui lui reprochent de flatter les peurs, le chef de l’Etat répond généralement qu’il a été le seul à faire baisser le score du Front national en vingt ans.
Seulement, sur la Turquie, il y a des chances que cette posture se révèle de moins en moins rentable. Les partis souverainistes de droite ou de gauche - tous hostiles à l’entrée de la Turquie dans l’Union, comme François Bayrou d’ailleurs - l’accusent de jouer double jeu. Tout en se servant de la Turquie comme repoussoir dans ses discours, le président français n’a nullement ralenti les négociations préalables à l’adhésion lorsqu’il a exercé la présidence tournante de l’UE au semestre dernier.

Deux nouveaux chapitres ont même été ouverts. Nicolas Sarkozy a le mérite d’avoir relancé l’Europe : il a permis aux Vingt-Sept de sortir du blocage institutionnel créé par le « non » français de 2005, et il a manœuvré avec maestria, pendant la crise géorgienne puis la crise financière, pour apporter des réponses communes à l’ensemble européen. Il l’a fait à chaque fois en jouant cartes sur table.

En ce qui concerne la Turquie, il a plus de mal. Sa grande idée d’Union méditerranéenne était destinée en bonne partie à détourner la Turquie de sa candidature à l’UE. Une fois passée à la moulinette diplomatique et devenue Union pour la Méditerranée, elle n’offrait plus qu’un vague cadre pour des coopérations techniques, utiles au demeurant.

De toute façon, Ankara ne se serait contenté ni de la première version, ni de la seconde, ni d’aucune formule d’association commerciale. Les Turcs exigent l’adoubement politique que représente l’adhésion plénière. Pour être reconnus, enfin, comme une puissance européenne injustement rejetée, à leurs yeux, hors du concert continental voici presque un siècle. Leur raideur, leurs blocages culturels et militaires (à Chypre notamment) n’en font pas des candidats particulièrement faciles. Mais leur évolution démocratique, leur dynamisme économique et démographique, pèsent dans l’autre sens. Et de plus en plus clairement. Pourquoi ne pas le reconnaître ?

Sophie Gherardi

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Sources

Source : La Tribune, le 29.05.09

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