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TURQUIE Le premier ministre va s’entretenir avec George W. Bush

Recep Tayyip Erdogan en visite de réconciliation à Washington

jeudi 9 juin 2005

Le Figaro

Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, est à Washington où il doit s’entretenir aujourd’hui avec le président américain George W. Bush. Cette rencontre a pour objectif de dissiper la brouille installée entre les deux pays depuis le refus, opposé en mars 2003 par le Parlement turc, d’autoriser l’accès de son territoire national aux soldats américains en route pour l’Irak.

Depuis lors, les relations entre Washington et Ankara n’ont cessé de se détériorer. Force est de constater que la Turquie n’a rien fait pour empêcher cette dégradation ; bien au contraire : après avoir qualifié l’exécution du chef du Hamas par Israël de « terrorisme d’État », Recep Tayyip Erdogan n’a pas ménagé ses critiques sur les méthodes employées par l’armée américaine en Irak.

Victime expiatoire de cette guerre des invectives, l’ambassadeur des Etats-Unis à Ankara, Eric Edelman, a jeté l’éponge. Au plus fort de la tourmente, en mars dernier, à la suite d’un malencontreux commentaire sur l’opportunité d’un voyage du président turc, Ahmet Necdet Sezer, en Syrie, il s’était violemment fait prendre à partie par la presse, qui emboîtait alors le pas aux critiques gouvernementales : « Edelman se comporte plus comme un gouverneur colonial que comme un ambassadeur », lançait alors l’éditorialiste du quotidien islamiste Yeni Safak. « Ce départ sera sans doute une perte pour Ankara, remarque aujourd’hui un observateur. Cet homme influent, très proche du pouvoir, va devenir le numéro trois au Pentagone. » Pas sûr qu’il soit désormais l’un des meilleurs avocats d’une franche réconciliation.

Principale pomme de discorde entre les deux pays : le laxisme dont l’armée américaine ferait preuve, selon Ankara, dans sa lutte contre les séparatistes kurdes du PKK, dont l’organisation figure sur la liste du terrorisme international reconnue tant par l’Union européenne que par les Etats-Unis. La Turquie reproche aux Etats-Unis de ne rien faire pour déloger les combattants kurdes du nord de l’Irak, qualifié récemment par le premier ministre turc de « terrain d’entraînement pour groupes terroristes ». Selon l’armée turque, les rebelles qui sont réfugiés par milliers au Kurdistan et s’infiltrent en Turquie en nombre croissant font peser de lourdes menaces sur le pays. Dimanche dernier, sept militants du PKK qui s’apprêtaient, selon la police turque, à commettre des attentats ciblés sur la ville ont été arrêtées à Istanbul. Les sept hommes étaient en possession d’une grande quantité d’explosifs venus d’Irak.

La Turquie donne donc du fil à retordre aux Etats-Unis. Et le temps semble désormais lointain où les Etats-Unis, tout à leur projet de « Grand Moyen-Orient », ne juraient que par le « modèle turc ». Cependant, en dépit d’une déception évidente, la Maison-Blanche peut difficilement oublier le « partenariat stratégique » qui unit les deux pays, alliés au sein de l’Otan. Et même si la Turquie n’est plus le modèle rêvé, cet État à la fois laïc et musulman, qui dirige actuellement, dans le cadre de l’ONU, le commandement de l’état-major de la Force internationale d’assistance à la sécurité (Isaf) en Afghanistan, reste un maillon essentiel de la stratégie américaine au Moyen-Orient.

Visiblement soucieux de tourner la page, les deux pays ont multiplié récemment les gestes de bonne volonté. Après avoir longtemps tergiversé, la Turquie vient d’autoriser les Etats-Unis à utiliser la base aérienne d’Incirlik pour ravitailler ses bases militaires installées en Irak et en Afghanistan. De son côté, Washington a redoublé d’efforts en faveur d’un règlement de la question chypriote et plaidé pour une levée rapide de l’isolement qui pèse toujours sur les Chypriotes turcs.

« Pour Washington, la Turquie n’est plus un partenaire de premier plan, analyse un diplomate français. Mais elle reste quand même un partenaire important, que les Américains n’ont pas envie de voir échapper de leur sphère d’influence. » Pas envie non plus de voir se distendre les liens noués entre l’Europe et la Turquie, mis à mal par la crise ouverte depuis le référendum du 29 mai : « Je crois que les Etats-Unis s’inquiètent surtout de voir glisser la Turquie vers d’autres partenaires tels que l’Iran, la Syrie ou la Russie. » La secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, a déclaré récemment qu’une éventuelle rupture entre la Turquie et l’Europe serait « une chose terrible » et que son pays ne souhaitait pas assister à un tel conflit de civilisation entre la Turquie musulmane et l’Europe chrétienne.

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