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Pourquoi il faut lire les écrivains turcs ?

mercredi 22 avril 2009, par Lisbeth Koutchoumoff

Le Salon du livre de Genève ouvre ses portes mercredi. La Turquie en est l’invitée d’honneur

Une dizaine d’écrivains font le déplacement, dont Nedim Gürsel et la benjamine Sema Kaygusuz.

Le roman capte et pompe les particules du monde, brasse la mémoire, révèle. On ne touche peut-être jamais d’aussi près le visage d’un pays que par ses livres. Et celui de la Turquie ne se résume évidemment pas à l’agenda politique qui, de loin, focalise l’attention. Ni aux représentations qui naissent de cet éloignement. La Turquie n’a pas bonne presse, pour résumer. Le débat sur son intégration européenne le rappelle sans cesse.

De plus près, de l’intérieur des mots, d’Istanbul même où nous nous sommes rendus pour le Samedi Culturel, on découvre un monde littéraire et intellectuel combatif, mû par la passion de la littérature et du débat d’idées. Un réseau serré de petits éditeurs porte haut la passion de la transmission des talents, avec la conviction que la pugnacité dans l’excellence fera à terme évoluer le pays vers plus de démocratie encore.
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On rencontre aussi une nouvelle génération d’écrivains, des trentenaires aux styles multiformes, qui entendent mettre des mots, enfin, sur les traumas du pays. La génération qui les a précédés a été réduite au silence par la junte. Les jeunes plumes d’aujourd’hui n’oublient pas leurs aînés sacrifiés. Ils écrivent pour eux aussi, rappellent-ils. Conscients de ne pas pouvoir réveiller les morts, ils savent néanmoins que la pire des violences réside dans le déni. Lever les tabous sur les minorités, renverser l’histoire officielle, tels sont les enjeux. Il faut les écouter. Il faut les lire.


L’année où le roman turc a explosé

En 2004, le nombre de romans turcs publiés en Turquie s’élevait à 279. En 2006, on relevait 349 titres. Et la hausse se poursuit depuis. Pendant longtemps, la poésie et la nouvelle se présentaient comme les deux genres de prédilection. L’essor économique, l’inclusion du pays dans la ronde globalisée et puis le succès international d’un Orhan Pamuk et d’autres romanciers comme Elif Shafak ou Murathan Mungan, presque une pop star en Turquie, ont donné des ailes à toute une génération.

Au-delà du boom du roman, c’est tout le marché du livre qui s’envole. « On peut affirmer qu’en six ans, le marché s’est mué en industrie. Le nombre d’exemplaires de livres, tous genres confondus, est passé de 15 000 à 35 000 », souligne Cem Erciyes, critique littéraire à Radikal. L’édition suit évidemment. « Le pays est le paradis des maisons d’édition indépendantes », se félicite Müge Sökmen, directrice éditoriale de Metis. 1724 maisons, petites structures pour la plupart, et quelques groupes également, témoignent de la vivacité de ce terreau intellectuel dans lequel Müge Sökmen met toute sa foi.


Les dix romans turcs qu’il faut avoir lus

- L’Institut de remise à l’heure des montres et pendules,

Ahmet Hamdi Tanpinar
(Actes Sud, 2007). Tanpinar (1901-1962) est reconsidéré aujourd’hui comme l’un des précurseurs de la prose moderne turque. « L’Institut… » déploie avec fantaisie l’absurdité de la bureaucratie de la jeune république.

- Paysages humains,

Nazim Hikmet (Parangon, 2002). Le plus grand poète turc (1901-1963), le plus connu aussi en Occident. Epopée en vers libres sur le pays en guerre, « Paysages humains » est son grand œuvre, écrit en prison.

- Mèmed le Mince,

Yachar Kemal (Gallimard, 1975). Il s’est inventé une langue, splendide,
qui emprunte aux chants des bardes d’Anatolie.

- Un Homme inutile,

Sait Faik (Bleu autour, 2007). Nouvelliste hors pair, Sait Faik
(1906-1954) déambule ici dans les bas-fonds d’Istanbul.

- D’Autres Chemins,

Enis Batur (Actes Sud, 2008).
Penseur érudit, Enis Batur ne cesse d’écrire une autobiographie faite de commentaires et de pérégrinations fines.

- Le Livre noir,

Orhan Pamuk (Gallimard, 1995). Pourquoi ce roman-là du Nobel 2006 ? Parce qu’il décline sa ville Istanbul aujourd’hui et au temps des
sultans, une mise en miroir centrale chez lui.

- Vatandas,

Tahsin Yücel (Editions du Rocher, 2004). Un condensé d’une œuvre qui reste à découvrir : ironie, univers kafkaïen, personnage écrasé par le destin.

- Contes de la montagne d’ordures, Latife Tekin (Stock, 1995).

Réalisme magique dans un bidonville d’Istanbul. Une prose qui a ouvert la voie à la génération actuelle.

- La Ville dont la cape est rouge, Asli Erdogan (Actes Sud, 2003).

- Tol, Murat Uyurkulak (Galaade), parution cet automne.


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Sources

Source : Le Temps, 21-04-2009

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