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En Turquie, la discipline financière a permis de vaincre l’inflation

mardi 7 février 2006, par Guillaume Perrier

Le Monde

ISTANBUL CORRESPONDANCE

« La Turquie est la preuve que la croissance économique peut être atteinte tout en appliquant une discipline financière. » Le compliment sort de la bouche d’Anne Krueger, la directrice générale adjointe du Fonds monétaire international (FMI), qui ne cache pas sa satisfaction devant les progrès réalisés par Ankara. Principal signe extérieur de cette nouvelle discipline turque, la baisse radicale du taux d’inflation, qui atteint son niveau le plus bas depuis plus de trente ans : 7,7 % en 2005, mieux que l’objectif de 8 % fixé par le FMI.

En 2001, année noire pour l’économie turque, l’indice flirtait encore avec les 70 %. Après une décennie cauchemardesque dans les années 1990 et des taux dépassant parfois les 120 %, la hausse des prix est donc en passe d’être maîtrisée.

Le fléchissement constaté ces derniers mois est d’autant plus remarquable qu’il intervient dans un contexte de hausse des prix du pétrole. Sans cela, l’inflation turque en 2005 aurait sans doute approché les 5 %, selon la banque centrale d’Ankara. Des résultats probants qui s’expliquent « par des politiques prudentes et des réformes structurelles », selon une étude de Morgan Stanley. La banque d’affaires américaine parle malicieusement « d’effet Wal-Mart sans Wal-Mart » pour définir la dynamique turque.

La fin programmée du fléau inflationniste est en effet en train de modifier profondément les habitudes en Turquie. Le 1er janvier 2005, la nouvelle livre turque (YTL) faisait son apparition. Une monnaie dépoussiérée, délestée de six zéros par rapport à l’ancienne. Des années d’hyper inflation avaient amené les Turcs à compter en « milyon » et à payer leur loyer en « milyar ». Avant la réévaluation de la monnaie, le jeu télévisé mondialement connu s’appelait même « Qui veut gagner 500 milliards ? »

Depuis le début de l’année 2006, la banque centrale est même en mesure de délivrer des prévisions à long terme. Le nouvel environnement économique l’autorise à présenter chaque mois un bilan détaillé et à fixer des objectifs à trois ans en terme de taux d’inflation. Une révolution pour la Turquie, qui compte ainsi rassurer les investisseurs encore refroidis par les chocs financiers antérieurs. « La prévisibilité des politiques monétaires s’est considérablement accrue », se félicitait, mardi 31 janvier, Süreyya Serdengecti, le gouverneur de la banque centrale.

De fait, les tout premiers chiffres que l’institution monétaire a communiqués confirment la décrue progressive de l’indice des prix : « Fin 2006, l’inflation tombera probablement entre 4,7 % et 6,3 %, a annoncé M. Serdengecti. Et entre 3 % et 5,5 % à la mi-2007. » Pour saluer cette avancée, les principales agences de notation économiques ont relevé leur appréciation concernant ce pays et son secteur bancaire. Et la Bourse d’Istanbul a fini l’année 2005 en trombe.

Mais les spécialistes de l’économie turque restent prudents. L’instabilité des cours pétroliers et la forte dépendance énergétique de la Turquie, ou encore les négociations d’adhésion à l’Union européenne, qui doivent entrer dans le vif du sujet à partir du printemps, sont autant de perturbateurs potentiels.

La balance des paiements souffre d’une monnaie surévaluée, ce qui pèse sur les déficits. Le pays doit aussi maintenir durablement le cap fixé par le FMI. L’institution internationale a accordé en mai 2005 un prêt de 10 milliards de dollars (environ 8 milliards d’euros) sur trois ans, destiné à la stabilisation de son économie.

« La banque centrale fait preuve de prudence, constate Emin Öztürk, économiste à la Turk Ekonomi Bankasi (TEB). Ils sont en train de s’apercevoir qu’il n’est pas si simple de faire descendre l’inflation à 5 %. En plus, un nouveau gouverneur doit prendre ses fonctions en mars et cela crée fatalement un peu d’incertitude. »

Guillaume Perrier
Article paru dans l’édition du 07.02.06

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