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Turquie : La révision constitutionnelle est soumise au Parlement mais son adoption par référendum est probable

lundi 5 avril 2010, par Jean Marcou

Le gouvernement a soumis, le 30 mars 2010, au Parlement, son projet de révision de la Constitution (cf. notre édition du 24 mars 2010). Après les consultations conduites la semaine dernière auprès des partis politiques et d’un certain nombre d’organisations (syndicats, organisations non gouvernementales), le projet initial a été légèrement modifié et complété. Le changement le plus important est un amendement à l’article 148 de la Constitution, destiné à permettre le jugement éventuel du chef d’Etat major, des principaux commandants des forces armées et du président de l’Assemblée nationale, par la Haute Cour qui est déjà compétente pour juger, entre autres, le Président de la République et les membres du gouvernement. Le nouveau projet de révision comportera donc 29 articles qui seront examinés par le Parlement au cours du mois d’avril. Tout le problème est de savoir s’il recueillera la majorité renforcée des deux tiers qui est requise pour l’adoption d’une révision constitutionnelle.

Il sera en effet difficile au gouvernement d’obtenir une telle majorité. Dans l’hémicycle, il peut certes compter sur les 340 voix que détient l’AKP, mais alors que les deux principaux partis d’opposition (CHP et MHP) ont fait connaître leur hostilité au projet, il lui sera difficile d’obtenir le soutien du parti kurde BDP, la quatrième formation importante au parlement. Le BDP a soumis son éventuel appui à la révision, à la condition que celle-ci intègre la suppression du seuil de 10% qui est nécessaire à un parti pour être représenté à l’Assemblée nationale. Or, cette réforme du mode de scrutin législatif ne figure pas dans le nouveau texte de la révision, présenté le 30 mars.

Sauf si un coup de théâtre devait intervenir, il est probable que le paquet constitutionnel gouvernemental sera soumis à un référendum qui pourrait se tenir en juin ou juillet prochains. Pays de tradition parlementaire, où de surcroit l’on s’est longtemps méfié du peuple, regardé par les élites politiques comme pas assez instruit pour pouvoir exercer son droit de suffrage en pleine connaissance de cause, la Turquie n’a qu’une expérience réduite du référendum. 5 référendums ont eu lieu depuis les débuts de la République. Les 2 premiers ont permis la ratification des Constitutions de 1961 et de 1982, les autres ont été organisés en vertu de la Constitution de 1982.

En 1961, la Constitution élaborée à la suite du coup d’Etat du 27 mai 1960 avait recueilli 61,5% des suffrages tandis qu’en 1982 le Turcs avait approuvé à plus de 90% le texte de la Constitution issu du coup d’Etat du 12 septembre 1980, plébiscitant d’ailleurs, par la même occasion, le général Evren à la présidence de la République pour 7 ans. C’est en 1987 que devait intervenir le premier référendum organisé en vertu de l’actuelle Constitution de la Turquie. Il s’agissait alors de faire approuver une révision constitutionnelle visant à permettre le retour à la vie publique des anciens leaders politiques conviés à une retraite forcée depuis le coup d’Etat de 1980. Cette réforme fut approuvée de justesse par 50,1% des Turcs. Un an plus tard, en 1988, le gouvernement de Turgut Özal, à l’origine de ce 3e référendum, en proposa un nouveau pour avancer la tenue des élections municipales d’un an, mais cette fois il se heurta au refus de 65% des électeurs. Il a fallu attendre ensuite près de 20 ans pour assister à une nouvelle consultation populaire. Celle-ci fit suite à la crise provoquée par les élections présidentielles de 2007. Après l’annulation par la Cour constitutionnelle du premier tour de ces élections, organisée au sein du Parlement, le gouvernement avait proposé une révision de la Constitution pour permettre, entre autres, l’élection du président de la République au suffrage universel. La majorité nécessaire des deux tiers n’ayant pu être obtenue au parlement, la révision en question (qui prévoyait aussi une réforme des règles du quorum parlementaire et une réduction de la durée des mandats présidentiel et parlementaire) avait été soumise à référendum et approuvée par 69% des suffrages exprimés (cf. nos éditions des 17, 18 et 22 octobre 2010).

Les opposants à l’organisation d’un référendum sur le projet de révision constitutionnelle actuelle font valoir qu’à la différence des consultations précédemment rappelées, celle qui est projetée aujourd’hui comporte un ensemble trop hétérogène de mesures allant de la modification de la composition du HSYK ou de la Cour constitutionnelle à la réforme de la procédure de dissolution des partis politiques, en passant par la création d’un Ombudsman ou l’octroi de nouveaux droits aux fonctionnaires et aux femmes. Un référendum en effet ne permettra que d’approuver ou de rejeter en masse ces mesures, alors qu’on peut être d’accord avec certaines et en rejeter d’autres. Au début du mois de mars, pourtant, le leader du CHP, Deniz Baykal, avait paru assez bien disposé à l’égard d’une telle consultation en estimant qu’elle pouvait offrir une opportunité de désavouer et d’affaiblir le gouvernement de l’AKP. Le parti gouvernemental dont l’influence électorale s’est tassée, l’année dernière, à l’occasion des élections locales, a pris son temps pour s’engager dans cette procédure de révision de la Constitution, qui paraît à terme devoir impliquer l’organisation d’un référendum. Mais s’il s’y est finalement résigné c’est parce que, de toute évidence, il semble que ses chances d’obtenir une réponse positive soient désormais très fortes.

JM

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Sources

Source : Ovipot, le 31.03.10

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