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Turquie : Appel aux artistes Turcs et Arméniens, des deux pays et des diasporas

samedi 15 novembre 2008, par Serge Avédikian

À l’échelle du temps humain, nous les artistes, qui habitons ici et ailleurs, devons réhabiliter la fraternité oubliée. À nous créateurs, de montrer l’exemple, de travailler les uns avec lesautres. Sans oublier hier, c’est un appel aujourd’hui, pour demain.

Deux pays où je ne peux pas aller en touriste. L’Arménie et la Turquie.
Citoyen français, je voyage souvent vers la République d’Arménie, où je suis né et vers la Turquie d’aujourd’hui où mes ancêtres ont vu le jour.
Nous sommes partis, à des moments différents de l’histoire des deux pays, nous installer en France. Pourquoi ? Tenter de répondre à cette question ouvre la boîte de Pandore et les histoires s’entrechoquent.

Le peuple de mes racines a connu l’extermination, l’exil, le bannissement, la dictature… Il se régénère difficilement, doucement dans son propre pays, en Arménie, ou dans tous ses pays d’accueil, devenu les nôtres aussi, dans la solidarité mondiale, le brassage et la mixité.

Les peuples qui vivent en Turquie, riches dans leur diversité, marchent, parfois douloureusement, mais étape par étape, vers plus de libertés et de démocratie. Eux aussi ont souffert au cours de l’histoire et ne connaissent pas encore la quiétude d’une patrie fraternelle. Eux aussi connaissent l’exil et le statut de l’Autre, de l’étranger sur des
terres bien différentes. Les Arméniens étaient un de ces peuples, il n’y a pas si longtemps, ici même, bien plus nombreux qu’aujourd’hui…

Le temps n’efface rien, mais il donne le recul nécessaire pour envisager toutes les choses, toutes, avec des yeux nouveaux, qui regardent l’avenir.

Rendons aux générations passées ce qui leur appartient. Nommons et rendons enfin, une bonne fois pour toutes, au vieil Empire Ottoman, en vérité et en dignité, toutes les horreurs et les crimes qui lui ont appartenu. Nos générations, celles de nos enfants, Arméniens
d’aujourd’hui, Turcs d’aujourd’hui, où qu’ils soient, veulent autre chose que la haine, la honte ou le ressentiment. Pour nous, pour eux, et surtout pour pouvoir partager nos mémoires, y compris dans les horreurs, ici ou ailleurs, nous devons réapprendre à être les uns avec les autres. Le temps de la haine ou du mépris, des rancœurs même inconscientes, doit être enterré chez nous tous, dans nos vies et dans nos consciences. Dans le respect, la reconnaissance et l’ouverture.

Donc, pas touriste ici, pas citoyen non plus, mais heureux d’être invité pour présenter ce film-là, en particulier. Il a mis longtemps à se construire, attendant de mûrir et suivant la courbe de l’histoire. Aujourd’hui, après l’avoir regardé, nous pouvons en débattre ensemble et essayer de répondre aux questions qu’il pose. Nous sommes tous responsables devant l’ignorance et la négation et devons rétablir la vérité.

Heureux de rencontrer des artistes de Turquie ou des artistes originaires de ce pays, vivant comme moi en diaspora. La création artistique, de la poésie à la littérature, de la musique aux arts plastiques, de la photographie au cinéma, est, on le sait, sources de liberté d’expression, de libération de la parole, de la pensée réinventée et de l’imaginaire.

À l’échelle du temps humain, nous les artistes, qui habitons ici et ailleurs, devons réhabiliter la fraternité oubliée. À nous créateurs, de montrer l’exemple, de travailler les uns avec les autres. Sans oublier hier, c’est un appel aujourd’hui, pour demain.

- Paris, le 8 novembre 2008

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