Les médias turcs ne savent plus quels titres inventer. Souvent, ils se contentent d’une formule lapidaire : “Encore un meurtre de femme !” Dimanche dernier, le nom d’Atiye Yazicioğlu s’est ajouté à la liste. D’après les médias turcs, cette mère de 37 ans est décédée d’un coup de fusil lors d’un passage au domicile conjugal, qu’elle avait quitté quelques jours plus tôt. Son mari est soupçonné du meurtre.
Pendant ce temps, la Direction générale de la sécurité (EGM) révélait qu’entre février 2010 et août 2011, 78.488 cas de violences avaient été recensés au sein des familles turques. La plupart des victimes sont des femmes et des filles. La plupart des agresseurs, des hommes qui leur sont proches : un mari, un père, un frère… D’après un rapport officiel daté de 2009, 42% des Turques disent subir des violences physiques et/ou sexuelles. Sans compter toutes celles qui se taisent.
Défaillance dans l’application des lois
Ces dernières années, des réformes successives du Code pénal et du Code de la famille ont renforcé les droits des femmes. La Turquie est même signataire d’une Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, paraphée en mai dernier à Istanbul. Mais l’application des lois, plutôt que les lois elles-mêmes, pose problème en Turquie.
Face à ces défaillances et aux critiques qu’elles engendrent, dans le pays et en Europe, le gouvernement prend de nouveaux engagements. La ministre de la Famille et des politiques sociales, Fatma Sahin, a déposé dimanche en conseil des ministres un projet de loi sur la “protection des femmes et des membres de la famille contre la violence”. Avancée importante : toutes les femmes (et leurs enfants) sont concernées, quelles soient mariées légalement ou religieusement, en concubinage ou divorcées.
Des mesures de protection et d’éducation
Le texte, qui doit encore être débattu et voté au Parlement, prévoit notamment des mesures d’éloignement et d’éducation (cours, service public obligatoire) pour les hommes violents. Il y est question par exemple de cours de gestion du stress ou de la colère pour les hommes frappés d’une mesure d’éloignement.
Sur décision de justice, certains d’entre eux pourraient être obligés de porter un bracelet électronique et un “collier d’alarme” serait fourni à leur victime. Dans l’hypothèse où l’agresseur serait un policier ou un militaire, leurs armes seraient confisquées.
Le texte permettrait aussi aux procureurs d’ordonner la protection d’une femme en urgence, quand bien même toutes les preuves n’auraient pas encore été réunies. Les hommes qui ne respecteraient pas ces mesures d’éloignement risqueraient alors jusqu’à huit mois de prison. En cas de problème avec l’alcool, un traitement serait rendu obligatoire.
Pour rédiger son projet de loi, Fatma Sahin a consulté les partis d’opposition et des organisations non gouvernementales. La ministre espère un vote au Parlement d’ici la nouvelle année.