Les obsèques de Berkin Elvan resteront sans doute dans l’histoire de la Turquie contemporaine comme un événement comparables aux obsèques de Hrant Dink, en janvier 2007. Je ne sais pas encore quelle est l’estimation du nombre des participants, hier, mais Radikal annonce que l’événement Berkin Elvan a battu le record des tweets : quatorze millions d’échanges ces deux derniers jours.
L’assassinat, puis les obsèques de Hrant Dink, avaient provoqué en Turquie un ébranlement dont les effets durent encore et (...)
Heureusement, il n’y a pas eu de drame. Quelques blessés seulement, selon toute apparence, ce 12 mars au matin. En voyant hier soir les foules qui montaient de toutes part vers la place de Taksim que la police cette fois était bien décidée à préserver de toute manifestation, en voyant les premiers actes dénotant un certain énervement – la mise en place ici ou là d’autobus en travers de la route pour barrer le passage à la police, la destruction de véhicules de l’AKP, de vitrines de sièges du parti – on (...)
Sur la place Taksim d’Istanbul, les manifestations se succèdent depuis plusieurs semaines, décuplées par les violentes répressions des forces de l’ordre et l’autoritarisme du Premier ministre Erdogan. Un mouvement sans précédent en Turquie, parfois comparé à celui de mai 68, aux Indignés d’Occupy ou aux printemps arabes. Que signifie ce soulèvement d’une partie de la jeunesse ? Quel sera l’impact de cette contestation sur la société turque ? Retour sur un siècle d’histoire, pour comprendre les racines de (...)
Enfant, dans la proche campagne smyrniote, tandis que je traversais les oliveraies de mon-grand père, pour aller cueillir des figues fraîches sur les arbres bordant les champs, il m’arrivait de croiser des animaux errants. Échappés d’un enclos ou débarrassés de la longe qui les retenait, béliers, taurillons, chevaux, mulets ou autres quadrupèdes divaguaient parfois dangereusement, mais fort de mes expériences champêtres, je savais où et comment me mettre à l’abri. Sauf… si le hasard avait mis sur mon (...)
Un printemps turc ?
Comme il était à prévoir, les comparaisons avec les printemps arabes ont vite fleuri et sont encore présentes dans toutes les têtes. Certaines analogies existent bel et bien : importance d’Internet et des réseaux sociaux, rôle moteur de la jeunesse, réappropriation pacifique d’un espace public confisqué par l’État, caractère résolument urbain, sur fond de baisse de la fécondité, d’augmentation du niveau d’éducation et d’urbanisation massive. Mais la comparaison s’arrête là, car (...)
Taksim, place du partage ou de la division ?
La contestation elle-même, en dépit de son aspect confraternel, n’est pourtant pas exempte de divisions qui apparaissent de plus en plus clairement. La poignée d’étudiants militants à l’origine du mouvement d’occupation l’avoue d’ailleurs sans ambages : ils se sentent dépassés par l’ampleur du mouvement, qui catalyse des forces et des frustrations accumulées sur plus d’une décennie. En réalité le mouvement d’origine spontané et peu organisé, soutenu par le (...)
Le jeu dangereux des symboles
Dans cette volonté affirmée de marquer les esprits et les territoires, le parti au pouvoir n’hésite pas à s’en prendre aux symboles de l’histoire républicaine et laïque de la Turquie, persuadé que le pays a définitivement engagé sa mue vers une démocratie conservatrice et qu’il n’est plus de retour en arrière possible. Ainsi le troisième pont sur le Bosphore a-t-il été baptisé du nom du sultan Selim Ier dit l’Inflexible ou le Terrible (yavuz en turc ottoman), père de Suleyman (...)
Ces violations massives des droits de l’homme risquent de ramener peu à peu la Turquie au statut qui était le sien dans les années 90 vis à vis des Nations Unis et du Conseil de l’Europe.
Je pourrais entreprendre de vous expliquer longuement la nouvelle loi sur le MIT [Organisation Nationale du Renseignement], écrire que même Orwell n’aurait pu rêver d’un service de renseignement qui conserve les analyses d’urine des gens [référence aux révélations récentes du journal Taraf sur les pratiques (...)
À l’origine de la contestation
Tout est parti de l’occupation par quelques militants du parc Gezi, situé sur la place Taksim, au cœur du quartier européen d’Istanbul. Les manifestants s’opposent au déracinement des arbres du parc dans le cadre du plan de rénovation et de piétonisation de la place, dont les travaux ont commencé il y a quelques mois de cela, et décident d’occuper le parc en campant sur place. Si le motif peut paraître futile, une sensibilité écologique est bel et bien apparue en Turquie (...)
C’est un jour de grande tristesse, le lendemain du décès de ma mère, que je croisai la face sombre de l’intégrisme religieux sous les traits du menuisier de notre quartier. Le matin où, le regard enlaidi par une jubilation mesquine, il refusa à mon père la fabrication du cercueil sous prétexte que notre famille n’était assez pieuse, et qu’il ne pouvait se compromettre ainsi auprès de Dieu, en répondant favorablement à notre demande. De mœurs bizarres, inconnues de ma famille, cet homme venait de (...)